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Laure Debreuil

La justice : un domaine complexe ; elle a un endroit et parfois un envers…façon de dire que l’on peut parfois parler de justice autrement et raconter ce que l’on ne peut pas voir à la télévision. Les caméras sont rarement les bienvenues dans les prétoires. C’est parfois frustrant. Voila pourquoi, par ces chroniques, je souhaite restituer l’atmosphère, les informations ou les à-côtés des procès que je suis pour la rédaction de TF1.

 

 

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 22:17

Nicolas Bamberski a l’air d’un tout jeune homme et pourtant il a quarante ans. Il porte un Tshirt à capuche grise, et parle avec un léger accent américain. Ce spécialiste en informatique est parti loin, très loin, faire sa vie : il réside en Californie. La présidente lui donne la parole, son témoignage doit être « spontané ».

« Après le divorce de mes parents, ma sœur et moi sommes allés nous installer à Lindau chez Dieter Krombach ; j’étais en sixième et ma sœur était pensionnaire. En juillet 82, c’était au début des grandes vacances, nous sommes allés à la piscine sur les bords du lac de Constance. Le soir, nous nous sommes chamaillés. Kalinka voulait lire une lettre que j’avais écrite à une petite amie. Je ne voulais pas, et je n’ai pas accepté qu’elle couche dans ma chambre. Nous nous sommes séparés fâchés. »

000 Par2846425Kalinka

Le jeune homme retient ses sanglots, et reprend dans un silence écrasant.

« Le lendemain matin, j’ai entendu les sirènes de l’ambulance. Je suis descendu. Ma mère était assise sur une chaise, les yeux rougis. Dès qu’elle m’a vu, elle m’a fait signe de remonter dans ma chambre. J’y suis resté un certain temps. Elle est venue me chercher. Elle m’a appris que ma sœur était morte, et qu’on ne savait pas de quoi. Le lendemain, mon père est arrivé et je suis reparti avec lui. Dès lors, j’ai terminé mes études à Toulouse, puis je suis parti aux USA. Je n’en ai plus parlé. J’ai longtemps gardé cela en moi. »

Sa mère pleure doucement sur le banc des parties civiles. Toutes ces souffrances accumulées ressortent brutalement dans les silences du récit. C’est poignant.

« Pendant longtemps, j’ai admis que la mort de ma sœur était inexpliquée. Puis le doute s’est installé. J’aimerais qu’on éclaircisse toutes ces anomalies, ces bizarreries. »

Puis il se tourne vers son ex-beau-père dans le box : « Pourquoi n’as-tu pas utilisé ton influence pour éclaircir la mort de ma sœur ? Pourquoi as-tu dit : oh, c’est comme ça ? Pourquoi n’as-tu pas utilisé tes connaissances de médecin ? J’ai le sentiment que ton savoir a été utilisé à une autre fin… »

Questionné plus tard sur la manière d’être de son beau-père, il en dira du bien. Qu’il était très gentil avec ses beaux-enfants, qu’il les traitait comme les siens, qu’il s’en occupait autant que de ses propres enfants. Tout cela s’est arrêté du jour au lendemain. Et en regardant le docteur Krombach, il dit qu’il n’a pas beaucoup changé. Mais sa voix tout d’un coup se fait plus forte : « Je voudrais qu’il parle, qu’il explique surtout ce qui s’est passé cette nuit-là. Il y a trop de doutes. Je suis content qu’il soit là. J’éprouve de la pitié, de la curiosité et un petit peu de haine ; j’attends des explications. L’absence de vérité revient à un mensonge. »

Dans le soir qui tombe, le blond des cheveux de Nicolas Bamberski tire sur le gris. Dieter Krombach est invité à dire quelques mots à son ancien beau-fils : « C’était très bien avec toi. On s’entendait très bien. Vous étiez une grande joie pour moi, je regrette la mort de ta sœur ; je te jure, je n’ai rien fait à ta sœur », en tentant son plus beau sourire derrière la vitre du box.

« Et les piqûres ? » lance Nicolas Bamberski.

« Non, sa mort n’a rien à voir avec ça, c’est 100% sûr… » La présidente lui coupe la parole.

«  Bonne chance ! » lance-t-il au jeune homme, comme un partenaire loyal…

Nicolas Bamberski vient de vivre un moment unique, celui qui consiste à venir dire haut et fort sa peine et sa souffrance devant une mère qui n’a jamais pu l’entendre, et un père muré dans son combat judiciaire. Le fantôme du petit garçon de onze ans s’est enfin évanoui dans les murs de la grande cour d’assises.

 

 

 

 

 

 

 

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